Mélanie cherche un stylo bleu

 


Ah, les administrations françaises ! Ces cathédrales de paperasse où l’on compte plus de chefs que d’Indiens, plus de réunions que de décisions, et surtout… plus de plaintes que de moyens. Voici l’histoire de Jean-Michel Dupont, haut fonctionnaire au Ministère des Circonvolutions Administratives (MCA), en vacances forcées avec sa secrétaire-maîtresse-emploi-fictif, Mélanie.


Jean-Michel, 58 ans, costume trois-pièces même en août, est directeur adjoint de la sous-direction des études prospectives sur les impacts socio-économiques des ronds-points en zone rurale. Un poste créé en 1998, toujours pas supprimé, toujours pas utile. Il gagne 6 800 € net par mois, a trois adjoints, deux chauffeurs, et une secrétaire : Mélanie, 29 ans, blonde, sourire Colgate, embauchée comme "chargée de mission transversale sur l’optimisation des flux de communication interne". Traduction : elle fait des cafés, des selfies, et des cœurs sur les Post-it de Jean-Michel.

Un jour, le ministère annonce une réunion d’urgence :

« Crise budgétaire ! On doit faire 0,3 % d’économies. »

Jean-Michel, en panique, convoque son équipe dans la salle "Marie Curie" (rebaptisée tous les six mois pour respecter la parité). Il arrive avec Mélanie, qui porte un tailleur Chanel payé par les frais de mission.

« Mesdames, messieurs, c’est la catastrophe ! On n’a plus de stylos bleus ! » Un silence glacial. « Et pire… le distributeur de café est en panne depuis trois semaines ! Comment voulez-vous que je signe des arrêtés dans ces conditions ?! »

Mélanie lève la main :

« Chef, on pourrait peut-être… imprimer en recto-verso ? » Jean-Michel la fusille du regard : « Mélanie, on n’est pas chez les sauvages. Le recto-verso, c’est pour les collectivités territoriales. Nous, on est État. »

Pour "rationaliser", il crée une cellule de crise :

  • 1 coordinateur (lui)
  • 1 rapporteur (son adjoint)
  • 1 secrétaire de la cellule (Mélanie, cumul d’emplois)
  • 1 expert en gestion de la pénurie (un stagiaire de Sciences Po)

Mission : rédiger un rapport de 42 pages sur "les impacts psycho-sociaux de l’absence de stylos bleus sur la productivité des agents de catégorie A". Budget alloué : 12 000 € (impression, catering, déplacement à Deauville pour "réflexion stratégique").

Pendant ce temps, dans les bureaux :

  • Les agents se battent pour un agrafeuse (la dernière a été volée par la DRH).
  • Le photocopieur fait des siennes : il imprime en rose fluo depuis 2019. Personne ne sait pourquoi.
  • Le Wi-Fi ? Classé "secret défense". Il faut un badge, un mot de passe, et une prière à Saint-Numéric.

Jean-Michel, en vacances à Saint-Tropez (frais de mission : "déplacement pour benchmark européen sur la gestion des crises estivales"), appelle Mélanie depuis la plage :

« Mélanie, tu as avancé sur le rapport ? » « Oui chef ! J’ai trouvé une solution : on va emprunter des stylos à la mairie. » « Scandaleux ! On ne va pas se rabaisser à ça ! Appelle le cabinet du ministre ! »

Le ministre, en jet privé pour un sommet à Bali, répond :

« Jean-Michel, calme-toi. On va créer une commission. » « Une commission ? » « Oui. Commission nationale d’urgence sur la résilience des fournitures de bureau en période de contrainte budgétaire. Tu la présides. Budget : 1,2 million €. »

Jean-Michel raccroche, ému.

« Mélanie… on est sauvés. » Elle, en bikini, sirotant un cocktail : « Chef, vous voulez que je commande des stylos en or pour la commission ? » « Non. En plaqué or. Faut montrer l’exemple. »

Fin de l’histoire ? Non. Trois mois plus tard, la commission rend son rapport :

« Recommandation n°1 : commander des stylos bleus. » Coût du rapport : 1,18 million €. Nombre de stylos commandés : 12. Livraison prévue : 2029.

Moralité : En France, quand il manque un stylo, on crée une commission. Quand il manque une commission, on embauche Mélanie. Et quand il manque des moyens… on part en vacances.


(Et dire que tout ça est à peine exagéré…)